JIMMY GUIEU DANS LA REVUE DE SF «GALAXIE» (1956-1959)

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À partir de la fin de 1953, deux revues de Science Fiction se partagent le modeste marché français, Fiction et Galaxie. Il faudra attendre la fin de la décennie pour en voir apparaître une troisième, Satellite, qui viendra prendre la place laissée vacante par la disparition de Galaxie. Fiction, publiée par les Éditions OPTA, était l’édition française de la revue américaine The Magazine of Fantasy & Science Fiction (F&SF) et Galaxie, publiée par les Éditions Nuit et Jour, celle de sa concurrente Galaxy. Mais si aux Etats-Unis, les deux revues-mères étaient réputées pour leur qualité, il n’en était pas de même en France.

En effet, si Fiction était un reflet fidèle et soigné de son édition-mère, il n’en était pas de même pour Galaxie, dont la qualité de l’impression et des traductions (souvent coupées) laissait vraiment à désirer. Maltraiter ainsi les plus grands auteurs américains du genre, Isaac Asimov, Robert Sheckley, Philip K. Dick et tant d’autres, n’a semble-t-il jamais gêné la rédaction… Il faudra attendre les années 1960 et la deuxième incarnation française de Galaxy pour que justice leur soit enfin rendue.

Quant aux auteurs français, on peut résumer ainsi la situation : les « littéraires » étaient dans Fiction et les autres dans Galaxie. Le temps s’est chargé de confirmer la chose car, si on peut encore lire assez régulièrement des nouvelles françaises parues originellement dans Fiction, qui se souvient de celles publiées par le premier Galaxie ?

Le numéro 30 avec au sommaire "La fin des Hommes",
première nouvelle publiée par Jimmy Guieu


Les trois nouvelles de Jimmy Guieu n’ont pas échappé à la règle. La meilleure du lot, « La fin des Hommes » n’est au plus qu’une amusante plaisanterie sur la disparition de l’élément masculin de l’espèce humaine dans le futur. « Vacances spatiales », la pire, raconte comment des ados en vacances sur la lune découvrent tous seuls l’origine d’un trafic que la police avait été incapable de localiser durant des années… Entre les deux tente de surnager « L’effroyable poisson d’avril », la seule des trois histoires à tourner autour des Soucoupes Volantes mais qui après un début un peu prometteur ne tarde pas à partir en quenouille…


Première page de "La fin des Hommes"

À plusieurs reprises, j’ai entendu Jimmy Guieu dire qu’il n’écrivait pas de nouvelles car cela ne « payait » pas. Mais je crois que, si cet aspect financier est sans aucun doute à prendre en compte, la raison principale est que le récit court ne lui convenait pas et qu’il s’en était rendu compte suite à l’expérience dans Galaxie. Toujours est-il que ce furent-là ses uniques nouvelles de SF jamais publiées.

Ce qui n’empêcha pas pour autant Jimmy Guieu d’avoir un statut à part dans Galaxie.

En effet, outre les trois récits qui viennent d’être évoqués et le fait que deux de ses nouvelles aient eu les honneurs de la couverture, il publia chroniques et critiques de livres à partir de mai 1956 dans tous les numéros de la revue, sauf le 55, jusqu’à la cessation de parution de celle-ci en avril 1959. Ceci en fait un collaborateur unique en son genre. En y regardant de près, d'ailleurs, on s’aperçoit qu’il devait exister des liens privilégiés entre la rédaction et lui.

Ainsi, lorsque paraît dans le numéro 30 de mai 1956 la nouvelle « La fin des Hommes », celle-ci est précédée (voir image) d’une courte mais élogieuse présentation de l’auteur, fait unique dans la revue. Ensuite, dès le numéro 31, Jimmy Guieu réapparait dans le sommaire avec un article intitulé « L’invasion de la Terre » (notons au passage que ce titre reprend celui d’un de ses premiers romans au Fleuve Noir « Anticipation ») qui va servir d’amorce à la série, « Les soucoupes volantes ». Débutant dans le numéro suivant, cette chronique mensuelle durera jusqu’au numéro 54 de mai 1958.


in numéro 31, juin 1956 (cliquer sur l'image)


Elle sera alors remplacée à partir du numéro 56 de juillet 1958 par « La rubrique de l’Étrange », un peu moins régulière (absente des numéros 57 et 59) et abordant d’autres sujets mystérieux. Ces deux rubriques successives occuperont en général à chaque livraison 3 pages de la revue. Parallèlement, à partir du numéro 57 d'août 1958, Jimmy Guieu assurera en alternance avec Maurice-Bernard Endrèbe la rubrique critique « Livres d’aujourd’hui et de demain », ceci sous le nom de Claude Vauzières. Ce pseudonyme sera repris dans les années 1960, mais sans le « s » final, pour signer trois romans de SF et un d’aventures dans la célébre collection pour adolescents « Marabout Junior ».


Dans « L’invasion de la Terre », Jimmy Guieu définit ce que sera « Les soucoupes volantes », à savoir un lieu d’échange d’informations avec les lecteurs de Galaxie qui s’intéressent aux OVNI., tout comme il le fait déjà à cette époque avec les auditeurs de ses émissions sur Radio Monte Carlo. Plus tard, quand viendra le temps de « La rubrique de l’Étrange », le concept se transformera, laissant place plutôt à de courts articles, comme celui sur « le cancer du verre » qui est présenté ici. Il faut voir dans ce changement le fait que la série « Les soucoupes volantes » commençait à tourner un peu en rond, faute d’informations réellement nouvelles à proposer chaque mois aux lecteurs.

in numéro 60, novembre 1958 (cliquer sur l'image)

Quant à « Livres d’aujourd’hui et de demain », il est évident que Jimmy Guieu/Claude Vauzières se partageait la tâche avec Maurice-Bernard Endrèbe concernant le choix des titres, se réservant pour lui les essais sur les OVNI et autres livres sur les mystères plus les parutions du Fleuve Noir « Anticipation » dont il était un des piliers. Ce qui amena à l’occasion « Claude Vauzières » à parler d'un roman de Jimmy Guieu… sans en dire ce qu’il en pensait tout en racontant avec un luxe inhabituel de détails le contenu de l’histoire pour allécher le lecteur. Pour preuve de ce petit « tour de passe-passe », on trouvera reproduite ici in extenso la livraison parue dans le numéro 57 d’août 1958 où il est question de Réseau Dinosaure. Cette rubrique est aussi intéressante pour l’avis de Jimmy Guieu sur le classique du Capitaine Ruppelt Face aux Soucoupes Volantes qui venait de paraître en français. Et si on peut s’étonner de la présence d’une critique d’un livre sur les avancées de la chirurgie moderne (Le sommeil dans la lumière du Dr A. Ruellan et de J. V. Kremer), c’est ne pas remarquer que celui-ci est paru au Fleuve Noir et oublier qu’André Ruellan était à l’époque un des meilleurs auteurs de la collection « Angoisse » sous le nom de Kurt Steiner et qu’il s’apprètait à faire quelques apparitions notoires, toujours sous ce nom, dans la collection « Anticipation »…





La première apparition de "Claude Vauzières", in numéro 57, août 1958 (cliquer sur l'image)

Cette collaboration de trois ans avec Galaxie est un épisode finalement peu connu, hors du cercle des spécialistes, de la carrière de Jimmy Guieu. Elle fait de celui-ci, et de loin, le principal auteur de la revue, toutes nationalités confondues, par le nombre de textes publiés. Et ce fut sa seule incursion dans la presse de SF en France.


BIBLOGRAPHIE


NOUVELLES
- « La fin des Hommes », n°30, mai 1956.
- « Vacances spatiales », n°41, avril 1957.
- « L’effroyable poisson d’avril » n 43, juin 1957.




RUBRIQUES
- « L’invasion de la Terre », n°31, juin 1956.
- « Les Soucoupes Volantes », tous les numéros, du n°32, juillet 1956 au n°54, mai 1958.
- « La rubrique de l’Étrange », tous les numéros, sauf le 57, du n°56, juillet 1958, au 65, avril 1959.
- « Livres d’aujourd’hui et de demain »»,
sous le nom de Claude Vauzières, un mois sur deux du n°57, août 1958, au 65, avril 1959.




RICHARD D. NOLANE


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