Guy Tarade,
Bernard Thouanel
et à Charles Moreau pour leur aide.
Né le 19 mars 1926 à Aix en Provence, Jimmy Guieu (de son vrai nom Henri René Guieu) est décédé dans la nuit du 1er au 2 janvier 2000, juste après être entré dans cette année que les auteurs de Science Fiction de sa génération considéraient comme mythique. Depuis des mois il luttait contre un cancer de la prostate auquel s’étaient ajoutés d’autres sérieux problèmes de santé. Avec lui, c’est une des figures les plus marquantes de l’ufologie française qui disparaît. Même s’il était contesté par beaucoup, il était devenu depuis longtemps un personnage impossible à ignorer.
QUELQUES SOUVENIRS PERSONNELS
J’ai découvert les livres de Jimmy Guieu au Fleuve Noir « Anticipation » en 1969, alors que je vivais à Abidjan, en Côte d’Ivoire, avec, je m’en souviens fort bien, Traquenard sur Kenndor, une aventure de Blade et Baker. Mais le véritable déclic se produisit peu de temps après à la lecture des Sept Sceaux du Cosmos, ma première rencontre avec le personnage-clé de l’œuvre de l'auteur : Gilles Novak. Si on arrivait à faire le compte des lecteurs venus à la Science Fiction et/ou à la littérature de l’Inexpliqué grâce aux romans consacrés à Gilles Novak, je crois qu’on serait vraiment surpris.Six ans plus tard, je fis la connaissance de Jimmy Guieu au cours du Festival de Science Fiction de Salon de Provence 1975. Un grand cru que ce festival puisque Jacques Bergier et Georges H. Gallet, peu habitués à ce genre de déplacement, étaient aussi de la partie. Ce fut le début d’une très amicale relation, facilitée par le fait que nous habitions tous deux Aix en Provence.
Jimmy Guieu au 4eme Festival International de SF de Fayence, Var, en 1988. (Photo Guy Tarade)
Durant 25 ans nous nous sommes vus et téléphoné assez régulièrement et même si j’étais loin de partager ses vues développées après 1987 sur les « Gris », ce sujet n’a jamais été source de discorde entre nous. Mieux, ce fut lui qui me mit en contact avec les Presses de la Cité poche en 1980 alors que débutait la réédition complète de ses livres dans la collection « SF JIMMY GUIEU ». Il s’ensuivit que nous avons travaillé pour les mêmes éditeurs pendant plus de 15 ans, bénéficiant tous les deux des conseils éclairés, de la gentillesse, de la patience et du professionnalisme de Bianca von Heiroth et de Véronique Kerbrat. La boucle fut bouclée, comme on dit, lorsque nous nous sommes retrouvés à publier tous les deux dans la même collection consacrée à l’Inexpliqué, « Les Dossiers Vaugirard », laquelle ne survécut pas à une des enièmes restructurations du Groupe de la Cité en 1995.
J’ai vu Jimmy Guieu pour la dernière fois au début de l’été 1998, lors d’un de mes déplacements sur Paris, le temps de déguster un excellent repas chinois dans un de ses restaurants favoris du XIIIeme Arrondissement. Et lorsque je lui ai annoncé mon départ pour le Canada, pays qu’il connaissait bien pour y avoir longtemps séjourné dans les années 70 et 80, il fut probablement un de ceux qui furent les plus heureux pour moi. Bref, on l’aura compris, même si je ne faisais pas partie du cercle de ses intimes, nous étions proches et sa mort, qui se profilait déjà malheureusement à l’horizon au vu des nouvelles alarmantes de son état de santé, m’a profondément touché.
JIMMY GUIEU ET LA SCIENCE FICTION
Jimmy Guieu était un personnage à part aussi bien dans la Science Fiction que dans le domaine de l’Inexpliqué.
Editions Fleuve Noir, 1951. Couverture de Brantonne.
Pour ce qui est de la SF, où il avait fait ses débuts en 1951 avec Le pionnier de l'atome dans la toute nouvelle collection «Anticipation » du Fleuve Noir, il n’a jamais fait de mystère qu’il n’en lisait pratiquement pas. Ses contacts avec le milieu étaient quasi-inexistants, sauf avec des gens, comme moi, qui s’intéressaient aussi aux mystères de ce monde et aux OVNI. Pour lui, la SF était « un prétexte, un faire-valoir, le sucre qui fait passer la pilule. » Depuis le début de sa carrière, il était convaincu que ses idées de romans lui étaient plus ou moins « soufflées » d’ailleurs et que l’imagination n’expliquait pas tout. C’est ce que disait, au passage, Morgan Robertson, l’écrivain américain qui avait « prévu » le naufrage du Titanic en 1898 dans un court roman, Futility, or the wreck of the Titan.
Ce que voulait dire Jimmy Guieu c’était que pour lui ses romans servaient avant tout à faire passer dans un large public ses idées sur les OVNI et autres thèmes mystérieux. Il suffit d’ailleurs de les lire dans leur ordre de parution pour voir que, très vite, ses livres cessent d’être de simples récits d’aventure pour intégrer ces préoccupations dès l’apparition du personnage de Jean Kariven en 1953. Il lui faudra attendre 1967 pour trouver enfin le personnage capable de catalyser ses aspirations en la personne de Gilles Novak, brillant et aventureux journaliste responsable d’une revue consacrée au paranormal. Gilles Novak, qui apparaît dans Le Retour des Dieux (1967), est une projection de Jimmy Guieu, c’est évident. Gilles Novak vit la vie trépidante et marquée par le mystère qu’il aurait souhaiter vivre. Ils sont tous les deux passionnés d’OVNI, de tradition templière et de Kabbale. Les liens tissés entre la réalité et la fiction sont encore resserrés par la présence dans les romans d’une foule de personnages bien vivants dont certains reviennent régulièrement : les compagnons de Gilles Novak sont les amis en chair et en os de l'auteur. J’ai moi-même bien connu, pour prendre un exemple, le géomancien Alain Le Kern qui apparaît dans de nombreux romans.
Dans une interview donnée en 1991 pour la petite revue de SF Planète à Vendre, Jimmy Guieu avait dit à ce propos :
«…, une amie éditrice m’a demandé pourquoi mes bouquins ont du succès ? Ils sont ringards ! Mais on ne les publie pas pour ma belle gueule, le public y trouve son compte. Pourquoi ? Parce que je m’efforce de faire ce que les autres ne font pas. D’abord, c’est pétri d’ésotérisme. Il y a toujours derrière une notion de justice expéditive. Les méchants, tôt ou tard, en prennent ‘plein la gueule’. Ce type d’histoire me plaît. Du manichéisme ? Tout à fait. Mais il n’y a que ça de vrai ! Les gens ne sont pas réalistes. Le monde souffre d’injustice. On aimerait bien voir tous les violeurs, les assassins, les sadiques, toute cette racaille véritablement jugée et pendue ! Mais la société est conditionnée, corrompue. On donne au peuple du pain et des jeux, et ce sera la chute de l’Occident. Alors on s’étonne que mes bouquins plaisent à des gens, mais ils plaisent aux braves gens, qui sont heureusement plus nombreux que les autres. Je revendique leur manichéisme, car nous vivons tous les jours dans le manichéisme ! »
Le côté justicier de Gilles Novak s’amplifiera encore après son intégration au sein des « Chevaliers de Lumière », qui deviendra une série à part entière en 1986 au Fleuve Noir après la parution d'un dernier volume dans la collection "Anticipation", Les Fils du Serpent.
Jimmy était un anti-communiste forcené et un homme très à droite, il était le premier à le dire. Mais, à côté de cela, sa passion pour l’ésotérisme (et son appartenance à la Franc-Maçonnerie) en avait fait quelqu’un qui croyait sincèrement à l’égalité de tous les êtres humains sans distinction de race, la distinction se faisant plutôt au niveau des « bons » et des « mauvais esprits. ». C'est particulièrement évident dans son roman le plus "initiatique", L'Ordre Vert.
L’autre série vedette de Jimmy, les aventures de Blade et Baker, relève elle essentiellement de l’aventure spatiale débridée. A mon avis, elle sera vite oubliée dès que l’équipe d’auteurs qui l’a reprise « en collaboration » au début des années 90 cessera de l’écrire. Le dernier grand succès de Jimmy en matière de fiction furent les 2 volumes de la série « EBE », des « romans vérité » conspirationnistes sur la présence effective des Gris sur Terre suivis par d’abondantes annexes factuelles malheureusement pas toujours très crédibles. Le premier volume aurait vendu en tout 40.000 exemplaires, ce qui constitue un succès de taille dans le monde de la SF française.
LE CHASSEUR DE MYSTERES
A côté de ce flot de romans de SF frisant la centaine de titres (je ne prends pas en compte les «collaborations» évoquées un peu plus haut) la production de Jimmy Guieu en temps qu’auteur d’essais sur l’Inexpliqué paraît bien réduite.
Pourtant en publiant Les Soucoupes Volantes viennent d’un autre Monde (1954) puis Black Out sur les Soucoupes Volantes (1956), il avait acquis une notoriété méritée de pionnier de l’ufologie en France, aux côtés d’un Aimé Michel et d’un Charles Garreau. Mais, curieusement, Jimmy Guieu ne transforma jamais ce coup d’essai et manqua complètement le développement fulgurant du marché des livres sur l’Inexpliqué à la fin des années 60.
Editions Fleuve Noir, 1956. Couverture de Brantonne
Car, soyons honnête, il est un des grands absents de ce boom au cours duquel le moindre titre publié dans une collection comme « Les Enigmes de l’Univers » par un inconnu grimpait vite à plus de 50.000 ex. de vente (aujourd’hui, dépasser 3.000 en grand format est un succès…). Au lieu de cela, il fait rééditer au début des années 70 ses deux livres sur les OVNI, devenus mythiques, par un éditeur fantôme, L‘Omnium Littéraire, qui les gratifie d’une présentation hideuse et d’une distribution inexistante. Pire, il confie toujours au même éditeur un inédit, Le Livre du Paranormal, qui recevra le même traitement que les deux précédents et qui devra attendre 20 ans pour trouver enfin son public chez Vaugirard. A la seule différence que n’importe quel éditeur consistant des années 70 en aurait vendu dix fois plus… En fait, Jimmy Guieu ne retrouve les chemins de l’édition spécialisée qu’à la fin des années 70, alors que le renversement de tendance est déjà palpable, mais comme directeur de la collection « Les Carrefours de l’Etrange » (nom de son émission radio) aux éditions du Rocher.
C’est dans cette collection qu’il publiera sa couverture de l’affaire de Cergy-Pontoise. Le livre sera un succès et sera repris chez France Loisirs mais Jimmy se verra toujours par la suite reproché d’avoir accordé sa confiance à une histoire qui s’est avérée n’être qu’un coup monté. Personnellement, je n’ai jamais cru qu’il ait été de mèche avec Frank Fontaine et compagnie comme certains l’ont dit. Je ne vois là que la manifestation de la trop grande confiance que Jimmy Guieu accordait à des gens qui lui apparaissaient sympathiques. Après un différent avec l’éditeur, Jimmy abandonnera la direction de la collection en 1982.
Quelques années plus tard, en 1986, il publie son dernier livre important sur les OVNI, cette fois chez Belfond, Le Monde Etrange des Contactés dont une version révisée dans l’optique conspirationniste sortira dix ans plus tard aux Presses de la Cité sous le titre malheureux de Nos Maîtres les Extraterrestres (ce qui ne l’empêchera pas d’être reprise très vite en club chez France Loisirs).
Editions Vaugirard, 1992. Un "Gilles Novak à l'ancienne" adapté d'un projet de scénario datant d'avant la création de la série des "Chevaliers de Lumière"
Si Jimmy Guieu n’écrit plus aucun roman dans les années 90 après les « EBE » (Magie Rouge, un "Gilles Novak" était tiré d'un projet de scénario pour la télévision, Psyboy et Un Terrestre Extra étaient, eux, rédigés depuis longtemps), il retrouve une direction de collection spécialisée aux Presses de la Cité, avec « Les Dossiers de l’Etrange ». Avant que des problèmes relationnels avec l’éditeur ne mettent fin à l’aventure, cette collection publiera des ouvrages de David Jacob, Timothy Good, etc. ce qui en fait une des plus intéressantes du genre. A noter que le livre de John Mack, publié peu après par les Presses de la Cité fut aussi choisi par lui.
Le livre le plus rare de Jimmy Guieu. Tiré à environ 1000 ex., il n'a jamais été réellement distribué en librairie
Un certain nombre de livres de Jimmy Guieu ont été traduits en anglais, en espagnol, en grec, en allemand, en hollandais, en portugais (Portugal et Brésil),en roumain et en italien et plusieurs ont été adaptés en BD dans la défunte collection « Sidéral ». La principale de ces traductions étant évidemment The Flying Saucers Comes from Another World parue en 1956 en Angleterre.
Parallèlement, Jimmy investit beaucoup de son énergie dans la réalisation de la série de vidéo-cassettes « Les Portes du Futur » consacrées aux OVNI mais aussi à d’autres mystères comme celui de Rennes-le-Château, Théopolis, les Vortex temporels, etc. Si elles avaient bénéficié d’une meilleure distribution, ces cassettes auraient connu à mon sens un bon succès public alors que le créneau était peu exploité en France. Jusqu’à ce que la maladie ait raison de lui, Jimmy tentera toujours, en vain, de trouver un producteur sérieux pour poursuivre la série. Récemment, les droits de la série ont été acquis par lOeil du Sphinx qui a déjà réédité en un seul DVD les 2 cassettes sur Rennes-le-Chateau.
"Les Portes du Futur" n°4. Vidéocassette, Dimension 7
En fond de ces activités littéraires, éditoriales et autres, Jimmy a poursuivi pendant presque un demi-siècle une carrière de conférencier professionnel bien remplie, y compris au niveau international. Il a tenu longtemps une rubrique sur les OVNI dans le quotidien Le Meridional au cours des années 50. Il a été le producteur de plusieurs émissions radio sur l’Inexpliqué sur Radio Monte Carlo et FR3 et on a pu le voir régulièrement ces dernières années invités à la télévision dans des programmes populaires malheureusement pas toujours du meilleur niveau.
LES «AUTRES» JIMMY GUIEU
Enfin, outre 3 romans de SF pour la jeunesse parus dans l’excellente collection « Marabout Junior » sous nom de Claude Vauzière et repris, révisés, dans la collection « SF JIMMY GUIEU », Jimmy a fait des incursions dans d’autres genres littéraires : 2 romans policiers guère mémorables sous le pseudonyme de Claude Rostaing en 1952 et 1954, 16 romans d’espionnage en collaboration avec Georges Perquin, sous le nom transparent de Jimmy G. Quint entre 1960 et 1967 (les cinq premiers au Fleuve Noir et les onze suivants aux Presses Noires) et un quatrième « Claude Vauzière » chez Marabout, L’Héritage des Templiers (1965).
Les romans signés Jimmy G. Quint étaient rédigés par Georges Pierquin, Jimmy se concentrant sur le rôle de scénariste et de documentaliste, ainsi que l'a confirmé Georges Pierquin, en ajoutant que la part de Jimmy s’était encore rétrécie dans les derniers volumes.
Georges Pierquin et Jimmy Guieu vers 1966 (Photo G. Pierquin)
Quant à L’Héritage des Templiers, il s’agit d’une histoire d’aventure, d’une chasse au trésor dans le centre de la France, avec des héros rappelant par certains traits ceux des séries vedettes de la collection « Marabout Junior », qu’étaient Bob Morane ou Nick Jordan.
Editions Marabout, Belgique, 1965
Ces 20 livres, tous parus entre 1960 et 1967, montrent une tentative de Jimmy de sortir de la collection « Anticipation » du Fleuve Noir. Georges Pierquin m’a expliqué que l’aspect financier n’avait pas été étranger à l’incursion dans la collection « Espionnage » du Fleuve Noir qui vendait bien plus que « Anticipation ». Mais lorsqu’il avait fallu faire de la place pour intégrer l’écurie d’auteurs des Presses de la Cité, qui avaient racheté le Fleuve Noir, « Jimmy G. Quint », avait fait partie du lot d'écrivains qui avait été remercié. D’où le départ vers Les Presses Noires.
Editions Fleuve Noir, 1962
Jimmy Guieu ne publiera d’ailleurs plus rien au Fleuve Noir entre début 1964 (Les Portes de Thulé) et fin 1967 lorsque Armand de Caro, le directeur de la maison réussit à le décider à revenir à la SF. C’est à cette occasion qu'il créera Gilles Novak dans Le Retour des Dieux. Donc, si on omet les scénarii pour les romans signés Jimmy G. Quint pour les Presses Noires, la carrière littéraire de Jimmy Guieu connaît un trou de presque quatre ans. Au cours de cette période, il s’essaiera à l’organisation de spectacles, tentative qui se terminera par de sérieux déboires financiers suite à un concert des Rolling Stones ayant tourné à la démolition d'une salle à Marseille…
J. Guieu en compagnie de G. Pierquin et d'Adamo à Marseille dans les années 60 (Photo G. Pierquin).
Enfin, car il faut bien en parler, il y a eu six romans érotiques sous le pseudonyme de Dominique Verseau, édités et/ou réédités dans les diverses incarnations de la collection « Les Erotiques de Gérard de Villiers». Concernant ces derniers livres, Jimmy Guieu était passé de la reconnaissance de leur paternité à l’affirmation qu’il n’était que « l’agent » de D. Verseau. Mais il faudrait être aveugle pour ne pas voir qu’il en était l’auteur et puis, de toute façon, ayant eu deux manuscrits entre les mains, je peux témoigner que c’était bien le cas… Tous les écrivains à plein temps savent qu’il faut quelquefois se plier à des travaux peu avouables pour faire bouillir la marmite... Pour la petite histoire, les deux premiers "Dominique Verseau" ont été traduits aux USA.
INEDITS ET PROJETS
Jimmy Guieu laisse un manuscrit terminé mais nécessitant une sérieuse réorganisation interne, provisoirement intitulé Terre, ta civilisation fout le camp. Je l’avais lu et nous avions discuté de diverses choses à son sujet (notamment un changement de titre…) à l’automne 1998 alors que j’avais cru pouvoir lui trouver un éditeur. C’est un livre à nouveau très influencé par les thèses conspirationnistes et la mainmise présumée des « Gris » et de leurs agents humains sur la planète.
En outre, Jimmy Guieu avait aussi légèrement révisé les deux volumes de la série « EBE » dont il avait récupéré les droits et qui ont été réédités en 2001. Il avait aussi en tête une idée de série de SF dont il pensait écrire le premier tome avant de la « sous-traiter » comme les Blade et Baker et qui avait pour titre de travail «Commando Espace-Temps». Deux romans inédits ont été de plus retrouvés dans ses archives : À la poursuite de l'antigravitation (suite de L'héritage des Templiers) et Psycho-évolution Rh, respectivement parus et à paraître chez Rivière Blanche.
L’HERITAGE
Reste maintenant la question de savoir l’héritage que laisse Jimmy Guieu.
Du point de vue strictement SF, il restera sous les traits d’un auteur atypique, représentant de la SF populaire à la française telle qu’on la trouvait dans les années 50 et 60.
Jimmy Guieu et Guy Tarade lors d'une réunion de l'IMSA au début des années 1990(Photo Guy Tarade).
D’autre part, l’adhésion immédiate de Jimmy Guieu aux thèses conspirationnistes de John Lear, comme s’il était soudain soulagé d’avoir trouvé une réponse au mystère posé par la raison de la présence des insaisissables OVNI, l’a fait basculer dans l’extrémisme ufologique, avec pour conséquence de le marginaliser. Après l’épisode rocambolesque de Cergy-Pontoise, c’était là une dérive qu’il aurait du éviter.
Les mauvaises langues diront que le visionnaire des années 50 était devenu victime d’un aveuglement entretenu par des gens en qui il avait placé bien trop de confiance. Mais est-ce pire que ces prétendus ufologues qui, faute d’avoir trouvé eux aussi une réponse ont préféré laisser de côté toute honnêteté intellectuelle et passer à l’ennemi en proclamant que les OVNI n’existaient finalement pas ?
Pour moi, l’erreur de Jimmy Guieu n’a pas été de se tromper sur le fond du problème, qu’il connaissait bien, mais sur le dosage de l’ingrédient « conspiration ». Là où il existe une volonté farouche des gouvernements à cacher au moins leur ignorance (récupérer un OVNI à Roswell ne signifie pas avoir encore compris ne serait-ce que comment en faire fonctionner l’allume-cigare…), il a cru voir un plan diabolique pour dissimuler depuis cinquante ans une invasion en règle dans le plus pur style de la SF populaire.
S’il faut se poser de sérieuses questions sur les enlèvements d’humains ou sur les mutilations de bétail, on n’est pas pour autant obligé d’imaginer l’existence de bases secrètes grouillantes d’Aliens de mèche avec le gouvernement américain et dont la présence aurait bien fini par transpirer au bout de plusieurs décennies.
Mais laissons-là ces querelles. L’important désormais c’est qu’un homme qui a beaucoup compté pour tant de gens a disparu dans un ailleurs dont il ne reviendra malheureusement pas. La seule chose qui peut nous consoler de cette disparition est que là où il est, Jimmy Guieu a peut-être enfin trouvé les réponses qu’il cherchait depuis si longtemps…
© 2002 (et 2009 pour la version légèrement révisée) by Richard D. Nolane